Elbrouz

Le Mont Elbrouz, avec son altitude de 5642 m, est le plus haut sommet de l’Europe. Il est situé en Russie, dans le nord du Caucase. Avant mon départ, j’ai fait face à ma première épreuve : une seconde blessure au dos. Elbrouz allait me réserver bien des surprises ! Mon plan d’ascension initial était de grimper du côté nord; le versant le plus sauvage, le plus technique et le moins touristique de la montagne. À ce moment, j’ai définitivement senti une vague de découragement m’envahir. J’avais passé plusieurs mois à m’entraîner et à travailler d’arrache-pied pour ramasser l’argent nécessaire qui allait me permettre de couvrir tous les frais associés à mon projet. Au lieu de laisser la panique et le découragement prendre le dessus sur moi, j’ai décidé d’aller chercher de l’aide professionnelle afin de me remettre sur pied. À la suite de plusieurs traitements de physiothérapie et des entraînements physiques spécifiques, j’ai été en mesure de reprendre des forces. Malgré tout, j’ai laissé tomber l’ascension du versant nord pour aller sur le versant sud. Cette voie est la plus facile, la plus sécuritaire et la plus rapide si on utilise les remontées mécaniques jusqu’aux refuges Garabachi à 3847 m. Ce fut une décision difficile, mais qui allait me permettre de quand même réaliser mon rêve.

Le trajet jusqu’en Russie, et plus spécifiquement pour me rendre à Mineral Vody, a pris plus de 30 heures. À mon arrivée, j’ai fait la connaissance de mon guide : Chatur Tamang. C’est un guide Népalais, avec 25 ans d’expérience en montagne. Il a à son actif plus de 70 ascensions du Mont Elbrouz, 6 ascensions du Mont Everest et plusieurs autres sommets dans l’Himalaya. Au même moment, j’ai également fait la rencontre de Marc, un Québécois qui allait faire partie de l’expédition. Dès nos premiers échanges, j’ai su que nous allions bien nous entendre.

Nous avons commencé à avancer dans les montagnes et près de la vallée du Mont Elbrouz. Les paysages étaient spectaculaires ! L’après-midi de notre arrivée au refuge, nous avons fait une marche de pré-acclimatation jusqu’à 4500 m d’altitude. Nous avons débuté notre marche sous un ciel bleu, et tout à coup, le vent s’est levé, les nuages sont arrivés et nous nous sommes retrouvés dans une tempête de neige en plein mois d’août. J’avais déjà entendu parler des tempêtes surprises sur le Mont Elbrouz, étant donné sa proximité à la Mer Noire. Ce phénomène s’est reproduit pratiquement à chaque jour sur la montagne. La tempête a encore frappé pendant une de nos marches d’acclimatation. À ce moment, je me suis mis à pleurer. Oui, j’avais froid et les conditions étaient difficiles, mais je pleurais de joie car malgré les défis, je vivais mon rêve et j’étais comblé ! Comme les conditions météorologiques étaient positives, nous avons décidé d’essayer d’atteindre le sommet dans la nuit du 7 août 2019. La majorité des grimpeurs utilisent les remontées mécaniques pour se rendre jusqu’à 5000 m et escaladent les derniers 642 m. Je sentais déjà que j’avais triché en utilisant le téléphérique alors il était inconcevable pour moi de choisir cette option. Mon guide et moi avons donc quitté le refuge vers minuit, avec uniquement la lumière de nos lampes frontales pour nous éclairer. Après une heure de marche, le vent s’est encore mis de la partie et j’ai dû m’arrêter pour ajouter des vêtements supplémentaires. Honnêtement, je ne m’attendais pas à ce que ça soit si froid. Il faisait 28 degrés celsius dans la vallée quelques jours auparavant ! Une fois près de la traverse nous conduisant au col qui séparait les deux sommets, j’ai soudainement commencé à tousser et à avoir mal au coeur. Je me rappelle m’être accroupi afin de reprendre mes esprits et me demander pourquoi ? Qu’est ce qui me motivait et me poussait à me défier physiquement et mentalement de la sorte ? Après quelques secondes de repos, je me suis remis en marche. Les derniers pas jusqu’au sommet ont été pénibles. J’avais les mains gelées et je devais constamment les bouger de haut en bas pour aider à la circulation. Finalement, le 7 Août 2019 à 5h00 am, j’ai atteint le sommet de l’Europe. Encore une fois, j’ai été envahi par toute une gamme d’émotions. La vue était incroyable ! À ce moment, je me suis rappelé pourquoi j’aimais escalader des montagnes. L’Elbrouz m’a appris que dans la vie, il est important d’être flexible car les plans finissent toujours par changer.